"La seule chose que l'on puisse prendre du paysage est une photographie,
la
seule chose que l'on puisse laisser est l'empreinte de ses pas." Hamish
Fulton
Rares sont ces instants où la lumière semble se poser et caresser délicatement la matière. Hasard ou opportunité d'une rencontre entre le photographe et son sujet. Le matériel L'utilisation du médium photographique (chambre photographique) reste certainement le moyen le plus noble pour être le témoin des différents éléments et détails d'un paysage. Il donne la possibilité au photographe de faire corps avec lui pendant les différentes phases de réglage de l'appareil. Le photographe photographie au rythme de la lumière et non plus au rythme du temps. Par son format d'image restituée (du 4x5 inch au 8x10 inch), l'ensemble des détails de l'image apparaissent clairement et précisément. Le médium photographique permet d'effectuer plusieurs réglages (mouvements) dont les principaux sont : le décentrement et la loi de Scheimpflug (loi des plans conjugués). Dans le cas précis de cette prise de vue, décentrement vertical et bascule du corps avant de l'appareil ont été utilisés afin de cadrer le sujet comme souhaité.
Face aux bisonsFévrier 1996 - Flagstaff (Arizona) 2h30 du matin Je me lève et décide de faire un rapide point sur la distance qui me sépare de Flagstaff à Jackson Hole (Wyoming) sur la carte routière Rand McNally. Environ 1300 kms et 4 états à traverser ! En partant maintenant je peux y être ce soir. Une occasion unique de découvrir ce parc sous la neige. 3h 5h15 8h30 11h30 14h 18h 19h15 Le lendemain matin c'est un paysage exceptionnel que je découvre. La ville est entourée par les cordillères de "Teton Range" et de "Gros Ventre Range". Somptueux et impressionnant. Je pars en direction de Yellowstone Nat'l Park en suivant la route 191. Sur ma gauche la chaine de "Teton Range" recouverte d'une abondante neige immaculée et son majestueux Mt Wister. En contre bas la Snake River qui prend sa source depuis le lac Jackson. Une nature sauvage et une féérie pour les yeux. A l'entrée du Parc Yellowstone, il n'est plus possible de continuer en voiture. Pour accéder au parc, il faut maintenant louer une motoneige. Je me fais rapidement expliquer la conduite de cet engin et, après avoir fixé l'ensemble du matériel photographique à l'arrière, je mets les gaz en direction de Yellowstone. En 1996, il était encore possible de circuler seul dans le parc durant l'hiver. Depuis la fin des années 1990, il n'est plus possible de parcourir le parc en individuel mais seulement accompagné d'un guide. Après plus de 2 heures de route en motoneige, ma première halte sera pour le Old Faithful Geyser. Ce geyser jaillit environ toutes les heures et demie à une hauteur qui peut varier de 30 à 50 mètres pendant une à cinq minutes. Tout autour, une multitude de petits geysers rendent le paysage surréaliste. Au Old Faithful Lodge il n'y a presque personne. Il me faut à présent faire un choix sur la direction à prendre pour prolonger la visite du parc. Plus grand que la Corse, une seule route en forme de huit parcourt ce parc immense. Il me sera impossible d'en faire le tour en une journée. La conduite sur neige et le froid (-20°) ne facilite pas mes déplacements. J'opte pour le Yellowstone Canyon situé à 90 kms du Old Faithful à l'est du parc. Sur la route, tout est insolite. La neige tombée en abondance recouvre les plaines, et les bisons, la tête enfouie dans la neige, cherchent leur nourriture. Alors que je roule vers le Yellowstone Canyon, je suis soudain arrêté par un groupe d'une dizaine de bisons qui ont pris possession de la route. J'arrête la motoneige à une distance raisonnable du groupe et j'attends tout en les observant. Vingt minutes s’écoulent mais ils ne semblent pas vouloir bouger. Il me faut pourtant continuer mon chemin. Le cœur battant, j’accélère très doucement pour me retrouver à une dizaine de mètres d'eux. Après quelques secondes d'attente, un passage de quelques mètres s'ouvre au milieu du groupe. La main tremblante sur la poignée des gaz j’entreprends de saisir cette chance pour passer. Assis sur la motoneige, la hauteur des bisons me dépasse. Je suis si prêt que je ressens leur chaleur. Encore quelques mètres et je serai sorti de cet enfer ! En m'éloignant du groupe de bisons, le passage s'est refermé derrière moi. Ce n'est qu'après coup que je prends conscience de la chance que j'ai eue ! Le Yellowstone Canyon est là. Ses pentes sont recouvertes de neige et le fer, présent dans la roche, livre des couleurs jaunes et rouges. 300 mètres plus bas, la rivière, couleur argentée, coule paisiblement. C'est splendide ! Je savoure cet instant tout en prenant quelques photos. De retour à mon véhicule à la sortie du parc de Yellowstone et après cette journée pleine d'émotions et de courbatures, je n'ai maintenant qu'une hâte : faire développer mes films à Salt Lake City pour découvrir le résultat. Février 1996 |
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